Pourquoi préparer un marathon en 10 mois quand on vient de la rando et du vélo
Si tu lis ce blog, tu viens sans doute plutôt du monde du vélo ou de la rando que de la course à pied pure. Passer d’une sortie gravel de 120 km à un marathon à pied, ce n’est pas juste “changer de sport”. Les chocs, les contraintes articulaires, la gestion des blessures : tout est différent.
Un plan sur 10 mois laisse le temps :
- de construire une base solide sans se cramer en 2 mois,
- d’augmenter le volume progressivement,
- de laisser les tendons, les genoux et le dos s’adapter,
- de gérer les aléas (rhume, boulot, fatigue, vacances) sans paniquer.
L’objectif ici : un marathon fini en bonne forme par un coureur amateur “normal”, pas un chrono d’élite. On vise quelqu’un capable de courir déjà 30 à 40 minutes sans s’arrêter, ou au moins d’alterner course / marche sans exploser le cardio.
Où tu en es vraiment : point de départ honnête
Avant de te lancer sur 10 mois, il faut être franc avec toi-même. Quelques repères utiles :
- Tu cours déjà au moins 1 à 2 fois par semaine ?
- Tu peux tenir 30 minutes de footing continu sans finir au bord de l’évanouissement ?
- Tu as déjà fait un 10 km ou un trail court (même en mode rando-course) ?
- Tu as au moins une activité d’endurance (vélo, rando, natation) régulière ?
Si tu coches zéro case, garde le projet marathon, mais commence par 3 à 4 mois de “remise en route” (marche rapide, footing très lent, vélo souple) avant d’attaquer ce plan.
Si tu coches au moins 2 ou 3 cases, tu peux partir sur l’organisation suivante : 10 mois structurés en 4 phases.
Structure générale des 10 mois
On va découper ainsi :
- Phase 1 : Base foncière (Mois 1 à 3) – habituer le corps à courir souvent, doucement.
- Phase 2 : Développement (Mois 4 à 6) – augmenter le volume et intégrer du travail de qualité.
- Phase 3 : Spécifique marathon (Mois 7 à 9) – coller au plus près de l’effort marathon.
- Phase 4 : Affûtage (Mois 10) – réduire la charge, garder la fraîcheur.
Fréquence cible : 3 à 4 séances de course à pied par semaine. Le vélo ou la rando restent possibles, mais en soutien, pas en remplacement systématique des sorties clés.
Phase 1 : construire la base sans se blesser (Mois 1 à 3)
Objectif : installer l’habitude, soigner la technique de base, laisser les articulations s’habituer.
Volume indicatif :
- Mois 1 : 2 à 3 séances / semaine, 60 à 90 min de course au total.
- Mois 2 : 3 séances / semaine, 90 à 120 min de course au total.
- Mois 3 : 3 à 4 séances / semaine, 120 à 150 min de course au total.
Les allures sont simples :
- 80–90 % en footing lent (tu peux discuter en courant).
- 10–20 % en petites accélérations très faciles, juste pour dérouler la foulée.
Exemple de semaine type (Phase 1) :
- Jour 1 : Footing 30 à 40 min, très facile.
- Jour 3 : Footing 40 à 45 min + 5 × 20 s un peu plus vite, récup 40 s en marchant.
- Jour 5 : Sortie un peu plus longue, 45 à 60 min en terrain souple (chemin, parc).
- (Éventuel Jour 7) : 30 min de footing + renfo léger (gainage, fentes, squats au poids du corps).
Si tu viens du vélo longue distance, tu seras tenté d’allonger les sorties trop vite. Mauvaise idée. En course à pied, c’est le squelette qui limite, pas le cardio.
Phase 2 : augmenter le volume et la qualité (Mois 4 à 6)
Là, on commence à ressembler à un “vrai” coureur, avec :
- plus de kilomètres,
- une séance avec du rythme,
- une sortie longue qui dépasse 1 h 15.
Volume indicatif :
- Mois 4 : 3 séances / semaine, 150 à 180 min totales.
- Mois 5 : 3 à 4 séances / semaine, 180 à 210 min totales.
- Mois 6 : 4 séances / semaine, 200 à 240 min totales.
Tu peux structurer tes semaines comme ça :
- Séance 1 – Footing de base : 45 à 60 min en aisance.
- Séance 2 – Travail de rythme (type fractionné léger) :
Exemple de contenu :
- Échauffement 20 min lent.
- 6 × 3 min à allure “un peu difficile mais tenable” (entre allure 10 km et allure semi), récup 2 min lentes.
- Retour au calme 10 min.
- Séance 3 – Sortie longue : 1 h 15 à 1 h 30, tout en douceur. Tu dois pouvoir parler.
- (Option) Séance 4 – Footing récup / renfo : 30 à 40 min très faciles + 15 à 20 min de gainage, squats, fentes, travail des mollets.
Dans ces mois-là, la progression clé, c’est la sortie longue. Tu peux faire :
- Semaine 1 : 1 h 15
- Semaine 2 : 1 h 20
- Semaine 3 : 1 h 30
- Semaine 4 : 1 h 00 (semaine allégée)
Tu cycles ce principe de “3 semaines qui montent / 1 semaine qui descend” sur l’ensemble du plan. C’est ce qui évite de finir chez le kiné au mois 5.
Phase 3 : spécifique marathon (Mois 7 à 9)
Là, on arrête de tourner autour du pot. On rentre dans le dur : apprendre à tenir longtemps une allure proche de celle du marathon.
Prérequis logique ici : avoir déjà tenu des sorties de 1 h 30 à 1 h 45 sans finir détruit.
Volume indicatif :
- Mois 7 : 4 séances / semaine, 220 à 260 min totales.
- Mois 8 : 4 séances / semaine, 240 à 280 min totales.
- Mois 9 : 4 séances / semaine, 230 à 260 min totales (on stabilise).
Structure type d’une semaine :
- Séance 1 – Footing facile : 45 à 60 min souples.
- Séance 2 – Allure seuil / tempo :
Exemple :
- Échauffement : 20 min.
- 3 × 10 min à allure “semi-marathon” (tu peux parler en phrases courtes), récup 3 min lentes.
- Retour au calme : 10 min.
- Séance 3 – Sortie avec allure marathon :
C’est la séance clé. Exemple de progression :
- Semaine 1 : 1 h 40 dont 3 × 15 min à allure marathon, récup 5 min lent.
- Semaine 2 : 1 h 50 dont 2 × 20 min à allure marathon.
- Semaine 3 : 2 h dont 45 min à allure marathon réparties en plusieurs blocs.
- Semaine 4 : 1 h 20 facile (décharge).
- Séance 4 – Sortie longue “pure endurance” :
Ici, tu vas monter jusqu’à 2 h 15 – 2 h 30 (pour un amateur), en mode très confortable, sur terrain plutôt roulant. Ça ne sert à rien de courir 3 h si tu finis en marchant et en boitant. Mieux vaut 2 h 15 maîtrisées que 3 h subies.
Pour quelqu’un habitué aux brevets de 300 km à vélo, ces durées vont paraître ridicules. Mais ce n’est pas le même sport. Ton cardio ne sera pas forcément le problème : ce sont les quadris, les mollets, les hanches.
Phase 4 : affûtage et gestion du stress (Mois 10)
Dernier mois : tu ne gagnes plus grand-chose en performance brute. Tu peux surtout :
- arriver frais,
- laisser guérir les petits bobos,
- tester une dernière fois le matériel et la stratégie de ravito,
- apprendre le parcours par cœur (profil, ravitos, pièges).
Réduction du volume :
- Semaine -4 : 100 % du volume habituel (dernière “grosse” semaine).
- Semaine -3 : 80 %.
- Semaine -2 : 60 %.
- Semaine -1 : 40 %.
Tu gardes un peu d’intensité (quelques accélérations à allure marathon dans les 10 derniers jours), mais sur des durées courtes. Le but : garder du peps, sans laisser la fatigue s’accumuler.
Exemple de progression globale des sorties longues
Pour visualiser, voilà un exemple de montée en charge de la sortie la plus longue de la semaine (indicatif) :
- Mois 1 : 45–60 min
- Mois 2 : 1 h 05–1 h 10
- Mois 3 : 1 h 15–1 h 20
- Mois 4 : 1 h 25–1 h 30
- Mois 5 : 1 h 35–1 h 45
- Mois 6 : 1 h 45–1 h 50
- Mois 7 : 2 h
- Mois 8 : 2 h 10–2 h 15 (1 à 2 fois)
- Mois 9 : 2 h 15–2 h 30 (1 fois), puis redescente à 2 h
- Mois 10 : 1 h 30 max, puis 1 h, puis 40 min la semaine du marathon
Tu peux adapter un peu, mais garde l’idée : progression lente, quelques pics, puis réduction.
Matériel : faire simple mais fiable
Comme en voyage à vélo, le piège, c’est de tout changer à la dernière minute. Quelques points clés :
- Chaussures : une paire principale adaptée à ton poids, ton type de foulée, ton terrain; une deuxième paire si tu t’entraînes souvent.
- Chaussettes : anti-ampoules, testées sur au moins 1 h 30 avant jour J.
- Textile : short / cuissard qui ne frotte pas, t-shirt ou débardeur déjà utilisés en sortie longue.
- Hydratation : ceinture porte-bidon ou petite flasque si tu n’aimes pas dépendre uniquement des ravitos.
- Montre GPS : utile pour suivre allure et durée, mais pas indispensable si tu connais bien tes sensations.
Comme pour une rando de plusieurs jours : tu testes ton “setup” sur plusieurs sorties longues. Pas de surprise le jour du marathon.
Nutrition, hydratation et sommeil : ton vrai carburant
Tu peux avoir le meilleur plan du monde, si tu dors mal, manges n’importe comment et oublies de boire, tu vas le payer.
En résumé :
- Au quotidien : mange varié, assez de protéines (1,2 à 1,6 g/kg/j), des glucides de qualité (pâtes complètes, riz, patates, légumineuses), suffisamment de lipides (huile d’olive, noix, etc.).
- Avant une grosse séance : repas simple, digeste, riche en glucides, 2 à 3 heures avant (pâtes + sauce simple, riz + légumes, etc.).
- Pendant la sortie longue (au-delà de 1 h 30) : commence à t’alimenter dès 45–60 min (gels, barres, compotes, ce qui te convient). Vise 30 à 50 g de glucides par heure.
- Hydratation : 500 à 750 ml d’eau ou boisson isotonique par heure selon la chaleur et ta sudation.
- Sommeil : vise 7 à 8 h, surtout la semaine des grosses sorties. Ça vaut plus que 15 min de footing en plus.
Tout ça, tu le testes pendant les mois 7 à 9 sur tes sorties spécifiques. Le marathon ne doit être qu’une répétition grandeur nature.
Gérer la fatigue, les bobos et le mental
Sur 10 mois, tu auras forcément :
- des séances ratées,
- des coups de mou,
- peut-être une petite douleur qui traîne.
Quelques règles simples :
- Douleur aiguë qui s’installe (genou, tendon, cheville) : on coupe 3 à 5 jours, on remplace par vélo souple ou natation, on regarde si ça passe. Si ça traîne, on consulte.
- Fatigue générale : mieux vaut zapper une séance de fractionné que la sortie longue clé.
- Maladie légère (rhume sans fièvre) : pas d’intensité, éventuellement footing très doux. Avec fièvre : zéro sport.
- Travail et vie perso : tu peux déplacer les séances, mais garde les 2 piliers hebdo : la sortie longue + la séance avec allure marathon (en phase 3).
Mentalement, tu peux te fixer des étapes intermédiaires :
- entre Mois 3 et 5 : un 10 km officiel, pour te situer;
- entre Mois 6 et 8 : un semi-marathon, couru sans objectif de record, pour tester ton allure et ton protocole de ravito.
Ces courses servent de répétition générale, comme une longue sortie test avant un voyage à vélo de plusieurs jours.
Le jour du marathon : déroulé pratique
Tu arrives avec 10 mois derrière toi. Il ne reste que l’exécution. Quelques repères :
- La veille :
- pas de séance dure, juste 20–30 min de footing très léger + quelques lignes droites;
- repas simple, un peu plus riche en glucides, pas d’aliment exotique.
- Le matin :
- petit-déjeuner 2 à 3 h avant : pain / céréales + confiture / miel + yaourt ou équivalent; café si tu as l’habitude;
- 500 ml d’eau en petites gorgées jusqu’à 30 min du départ.
- Pendant la course :
- partir plus lentement que ce que tu crois pouvoir tenir;
- boire à chaque ravito (ou presque), même si tu n’as pas vraiment soif;
- commencer les apports sucrés dès 30–40 min.
L’allure marathon, pour un coureur amateur, ça ressemble souvent à : “facile jusqu’au 25e, sérieux jusqu’au 35e, puis on bascule dans le dur”. L’objectif des 10 mois, c’est d’arriver à ce 35e km en étant encore maître de ta foulée, pas en marchant les mains sur les cuisses.
Si tu as déjà géré une sortie de 8 h en montagne ou un 400 km à vélo dans le vent, tu connais la sensation de “ne pas lâcher”. La différence ici, c’est que la marge d’erreur est plus petite : partir trop vite te coûtera cher. Mieux vaut finir légèrement frustré que détruit.
Avec 10 mois structurés, un peu de méthode, du matériel simple mais testé, et une dose de lucidité dans la gestion de l’allure, un marathon devient un gros projet accessible, pas un truc réservé aux autres. Comme toujours en endurance, ce qui compte, ce n’est pas l’héroïsme, c’est la régularité.
