Col mythique tour de france : comment préparer l’ascension de ces géants à vélo en toute sérénité

Col mythique tour de france : comment préparer l’ascension de ces géants à vélo en toute sérénité

Monter un col mythique du Tour de France, c’est un mélange d’envie, de respect et parfois de trouille. Alpe d’Huez, Galibier, Tourmalet, Ventoux, Izoard… Sur le papier, ce ne sont « que » des routes. En vrai, ce sont des rampes longues, parfois irrégulières, avec du vent, de la chaleur, du froid, et tout ce qui va avec.

La bonne nouvelle : avec une préparation réaliste, un vélo adapté et quelques réflexes simples, on peut les grimper sans exploser au bout de 3 km. L’idée ici n’est pas de battre des records, mais d’arriver en haut debout sur le vélo, sans se dégoûter.

Choisir le bon col et le bon sens… pour son niveau

Avant de parler braquets et barres de céréales, il faut être honnête avec soi-même : quel est ton niveau actuel ? Tu roules combien de kilomètres par semaine ? Tu as déjà monté quoi comme dénivelé ?

Quelques repères simples :

  • Débutant en montagne (jamais ou très peu de cols, sorties < 60 km, < 800 m D+) : vise un col de 8–12 km autour de 5–6 % de moyenne.
  • Niveau intermédiaire (sorties 70–120 km, 1000–2000 m D+ réguliers) : tu peux viser un Tourmalet ou un Glandon, à condition de ne pas partir la fleur au fusil.
  • Habitué des cols (grosses sorties à la journée > 2000 m D+, plusieurs cols) : tu peux enchaîner ou viser les faces les plus dures (Ventoux par Bédoin, Alpe d’Huez en fin de sortie, etc.).

Ce qui change vraiment la donne, c’est le profil du col :

  • Col régulier (style Tourmalet par Sainte-Marie-de-Campan) : pente assez constante, plus facile à gérer mentalement et physiquement.
  • Col irrégulier (Galibier côté Lautaret, Glandon) : alternance de replats et de murs, plus piégeux si tu t’emballes.
  • Col « mental » (Ventoux, Izoard) : chaleur, vent, zones sans ombre, paysage lunaire… l’effort ne se joue pas que dans les jambes.

Regarde aussi le sens de l’ascension. Par exemple :

  • Ventoux par Bédoin : 21 km, ~1600 m D+, long passage à 9–10 % dans la forêt.
  • Ventoux par Sault : plus long, mais plus roulant, mieux pour une première.
  • Galibier depuis le Lautaret : montée progressive, dernier kilomètre très raide, altitude élevée.

En résumé : commence par un col à ton niveau, idéalement régulier, puis monte progressivement en difficulté.

Préparer les jambes : 6 à 8 semaines ciblées

Pour monter un grand col sans trop subir, la clé c’est de travailler l’endurance et le tempo, pas les sprints au feu rouge.

Sur 6–8 semaines, tu peux structurer comme ça (en supposant 3 sorties / semaine) :

  • 1 sortie longue (3–5 h) : à allure tranquille, objectif temps de selle et dénivelé progressif. Démarrer à 800–1000 m D+ et viser 1500–2000 m D+ à la fin, selon ton objectif.
  • 1 sortie « tempo » : après échauffement, 2 à 3 blocs de 15–25 min à allure soutenue mais tenable (zone « je peux encore parler mais pas faire un discours »). C’est typiquement le rythme col.
  • 1 sortie récupération / vélocité : courte (1–1h30), souple, privilégier la fréquence de pédalage (90–100 tr/min) sur du plat ou faux-plat.

Si tu as accès à des bosses de 3–6 km, utilise-les comme mini-cols :

  • Monter en restant au même rythme du bas en haut.
  • Travailler la gestion : ne pas se mettre dans le rouge au premier kilomètre.
  • Tester tes braquets (on y vient juste après).

Si tu n’as pas de vraie montée à côté de chez toi, ce n’est pas foutu :

  • Fais du home-trainer avec des blocs de 20–30 min à puissance modérée.
  • En extérieur, bosse sur du faux-plat montant avec du vent de face, ce n’est pas joli mais ça fait le job.

Le bon braquet pour ne pas exploser en plein milieu

On ne « mérite » pas un col en tirant du 39×25 en force. On en profite plus avec une cadence autour de 75–85 tr/min en montée, possible uniquement avec les bons braquets.

Pour les grands cols > 8 %, je recommande clairement :

  • Compact ou semi-compact à l’avant : 50–34 ou 48–32.
  • Grosse cassette à l’arrière : minimum 11–32, idéalement 11–34 voire 11–36 si tu débutes ou que tu es chargé.

En pratique, ça donne :

  • Avec un 34×32, tu peux tourner les jambes à 70–80 tr/min à 8–9 km/h dans du 8–9 %.
  • Avec un 34×28 seulement, tu seras déjà en limite, surtout en fin de col.

Avant le jour J, fais une vraie sortie test avec ces braquets :

  • Choisis ta plus longue bosse locale.
  • Monte en restant le plus souvent possible sur le petit plateau, en utilisant les grands pignons.
  • Observe à quel moment tu te mets à pousser en force : si c’est trop tôt, braquet trop dur.

Si tu dois changer la cassette ou le pédalier, fais-le plusieurs semaines avant, histoire de t’y habituer.

Vélo, position, freins : le matériel qui évite les mauvaises surprises

Les grands cols, ce n’est pas seulement la montée. C’est aussi une longue descente, parfois froide, parfois très rapide. Quelques points à vérifier sérieusement :

  • Freins : patins en bon état (si jantes), disques non voilés, garnitures pas rincées. Une descente du Galibier sous la pluie avec des patins morts, c’est très long.
  • Pneus : section 25–28 mm, état impeccable, pas de coupure. Pression adaptée (pas besoin de 7,5 bars si tu fais 65 kg, 6–6,5 peuvent suffire).
  • Transmission : chaîne propre, cassette pas usée, pas de craquements bizarres sur les grands pignons.
  • Position : si tu as des douleurs récurrentes (genoux, lombaires, nuque), régler ça en amont. Un col de 1 h 30 les mettra en lumière.

Pour ceux qui partent chargés (cyclo-camping, bikepacking) :

  • Évite de surcharger l’arrière uniquement. Répartis entre avant et arrière si possible.
  • Serre bien tout : sacoches mal arrimées + descente rapide = mauvaise combinaison.

S’habiller pour monter… et surtout pour descendre

En montagne, tu peux partir avec 20 °C dans la vallée, 10 °C au sommet et un vent glacial dans la descente. L’erreur classique : tout donner dans la montée, arriver trempé, basculer direct… et se geler pendant 20 km.

Le minimum pour les grands cols :

  • Coupe-vent ou veste légère : qui tient dans une poche, à enfiler au sommet et pour la descente.
  • Sous-maillot respirant : pour ne pas rester trempé sous le maillot.
  • Gants longs ou demi-saison : en descente avec 50–60 km/h, le vent fait très vite froid.
  • Tour de cou / buff : petit, léger, très utile en sommet venté.
  • Manchettes : faciles à enfiler / enlever.

En montée, ouvre la fermeture du maillot, gère la ventilation. Au sommet, prends 2–3 minutes pour :

  • Enfiler coupe-vent + manchettes si besoin.
  • Boire quelques gorgées.
  • Éviter de traîner en tenue trempée en plein vent.

Gérer l’énergie : manger et boire avant d’avoir faim et soif

Sur une ascension longue (1 h à 2 h), le carburant devient vite le facteur limitant. Tu peux être « en forme » et te prendre quand même le fameux mur si tu n’as pas mangé.

Quelques repères simples :

  • Hydratation : 500–750 ml par heure selon la chaleur. Si tu transpires beaucoup, vise plutôt 750 ml.
  • Apport énergétique : 40–60 g de glucides/heure. Concrètement, ça peut être 1 barre énergétique + 1/2 banane, ou 1 gel + 1 barre, etc.

Organisation type sur une montée de 1 h 30 :

  • Boire quelques gorgées tous les 5–10 minutes, même sans soif.
  • 1/2 barre ou petite portion toutes les 20–25 minutes.
  • Ne pas attendre d’être au bord de l’hypo pour ouvrir la poche.

En pratique, j’évite :

  • Les trucs trop durs à mâcher (barres béton) quand ça monte à 9 %.
  • Les aliments trop gras (pâté, fromage) avant la montée : digestion lente, mauvaises sensations.

Astuce : mange plutôt un peu avant le pied du col qu’au pied lui-même, pour ne pas démarrer l’ascension en pleine digestion lourde.

Rythme de montée : ne pas se griller dans les 3 premiers kilomètres

Encore plus que le matériel, c’est la gestion de l’allure qui fait la différence entre un col « dur mais gérable » et un carnage mental de 10 km.

Quelques règles simples :

  • Les 2–3 premiers kilomètres doivent te sembler faciles. Si tu souffles déjà fort, tu es allé trop vite.
  • Reste assis le plus souvent possible, danseuse seulement pour relancer ou te dégourdir.
  • Ne suis pas les autres au pied que tu ne connais pas. Laisse-les partir, tu les reverras souvent au panneau des 3 derniers kilomètres.
  • Fixe-toi des micro-objectifs : « jusqu’au prochain virage », « jusqu’au panneau kilométrique ».

Si tu roules avec capteur de puissance ou cardio :

  • Viser une intensité que tu peux tenir 1 h sans exploser, souvent zone tempo (un peu sous ton seuil).
  • Si tu n’as rien de tout ça, ton repère, c’est la respiration : tu peux parler par phrases courtes, mais pas chanter du Céline Dion.

Gérer la météo et l’altitude

Les cols mythiques ont deux particularités : ils sont souvent hauts (2000–2700 m) et la météo y change vite.

Altitude :

  • Au-dessus de 2000 m, certains ressentent une baisse de puissance, un souffle plus court.
  • Anticipe : ne te mets pas dans le rouge dans les 3 derniers kilomètres très pentus (ex : Galibier).

Météo :

  • Vérifie la météo sur 3–4 heures autour de ton créneau, pas seulement la tendance de la journée.
  • Méfie-toi du vent : un Ventoux avec 60 km/h au sommet, c’est une autre histoire qu’une journée calme.
  • En cas de risque d’orage, évite les sommets en fin d’après-midi. Redescendre un col sous l’orage de montagne, c’est rarement un bon souvenir.

La descente : plaisir, mais pas en mode kamikaze

On parle souvent de la montée, rarement de la descente. Pourtant, c’est là que les ennuis arrivent quand on est cramé ou frigorifié.

Quelques réflexes :

  • Premier kilomètre très prudent : le temps d’évaluer l’état de la route, les virages, le vent.
  • Position stable, mains en bas du cintre pour un meilleur contrôle du freinage.
  • Pas de freinage continu à l’arrière dans une descente longue en patins : risque de surchauffe. Alterne avant/arrière, relâche régulièrement.
  • Regarde loin dans le virage, pas juste devant ta roue.
  • Si tu es frigorifié, fais une pause courte pour bouger un peu, ne t’entête pas à descendre tout raide sur le vélo.

Attention à :

  • Les gravillons dans les épingles.
  • Les plaques d’humidité à l’ombre même par beau temps.
  • Le trafic (surtout sur les cols stars du Tour en plein été).

Petites erreurs classiques à éviter

Sur les grands cols, on voit toujours les mêmes pièges :

  • Partir trop tard, vers 11 h–12 h, et finir la montée en plein cagnard.
  • Attendre d’avoir faim pour manger.
  • Ne pas prendre de coupe-vent « parce qu’il fait chaud en bas ».
  • Partir avec une cassette trop courte et le regretter au bout de 5 km de 9 %.
  • Changer de matériel (chaussures, selle, pédales) juste avant le séjour en montagne.

À l’inverse, ce qui aide vraiment :

  • Partir tôt le matin : moins de voitures, températures plus gérables.
  • Se fixer un col principal dans la journée, pas trois objectifs irréalistes si tu n’as pas l’habitude.
  • Accepter de s’arrêter 30 secondes à une fontaine pour remplir les bidons plutôt que de finir rincé.

Profiter du mythe sans se mettre la pression

Les panneaux « virage 21 », les noms peints au sol, les bornes kilométriques… Tout ça ajoute une couche mentale. Facile de se dire qu’il faut « faire un temps » sur l’Alpe ou le Ventoux, alors que la vraie victoire, c’est d’arriver en haut en ayant géré proprement.

Deux conseils pour garder la tête au bon endroit :

  • Rouler pour toi : tu n’es pas au Tour. Si quelqu’un te double, ce n’est pas une attaque, c’est juste sa montée à lui.
  • Observer : paysage, virages, vallées. Ça occupe l’esprit et ça évite de rester fixé sur le compteur en regardant défiler les mètres.

Monter un col mythique du Tour, ce n’est pas réservé aux machines. C’est accessible à beaucoup de cyclistes avec un minimum de méthode :

  • Choisir un col adapté à son niveau et au bon moment.
  • Préparer un peu le moteur sur 6–8 semaines.
  • Monter avec le bon braquet, au bon rythme.
  • Manger, boire, se couvrir intelligemment.

Et, surtout, accepter que ce soit dur par moments. C’est aussi pour ça qu’on y retourne.